La Canarde sauvage
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Pour leur foutre au cul un peuple président !

mardi 8 novembre 2016

Dans ce numéro sur les primaires (et les primates), nous interrogeons un candidat à l’élection présidentielle de 2017 qui propose de sortir de la logique des partis et d’un système qui écrase tous les débats au profit d’une cuisine électorale de plus en plus indigeste.

Daniel Adam vit depuis une quinzaine d’années dans les Alpes-de-Haute-Provence où il est régulièrement « sollicité comme militant des Droits de l’Homme [et] connu principalement par celles et ceux qui sont “dans la merde” ». Originaire de l’Est de la France, il est né en 1948 dans la vallée de l’Orne à Moyeuvre-Grande (57) dans une famille ouvrière et se définit comme un autodidacte. Après une carrière de consultant en économie de la santé, qu’il doit abandonner au début des années 1990 suite à un « accident de la vie », il reprend des études en philosophie du droit tout en continuant de s’engager bénévolement comme jurisconsulte en droit du Travail et dans des associations comme la Ligue des Droits de l’homme.

Nous l’avons rencontré pour lui poser quelques questions canardeuses sur cette drôle d’idée : se présenter à l’élection pestilentielle [1].

La Canarde sauvage : Comment un libertaire peut-il présenter sa candidature à une élection présidentielle comme un acte citoyen ?

Daniel Adam : Pour consacrer le citoyen, Robespierre et les Jacobins ont instauré le suffrage universel direct en 1792. Condorcet et Sieyès estimaient que « si tous les Français devaient cesser d’être des sujets pour devenir des citoyens, certains citoyens devaient être toutefois plus citoyens que d’autres ». C’est ce qui a fait dire à Coluche : « Les hommes naissent libres et égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». Est un piège à cons toute élection qui permet d’exclure le peuple des décisions politiques.
Citoyen, mon engagement militant repose sur l’affirmation qu’un homme en vaut un autre. Libertaire, je réponds à la question : comment, à partir de soi, lever l’interdit politique qui pèse sur le peuple ?

LCS : Cette candidature se fait sans le soutien d’aucun parti mais s’accompagne de la création d’un mouvement intitulé « Le Peuple président ». Quels sont les objectifs de cette candidature et de cette organisation ? Quelle est ta définition du mot peuple ?

DA : Le peuple n’est pas un agrégat d’individus définis par un territoire. Historiquement, il est « lié » par un processus de domination, le pouvoir d’État (et ses appareils idéologiques) et de résistance à cette domination [2]. Ne peut donc « se dire du peuple » qui veut, et surtout pas la « brune » du FN !
Le Peuple président participe d’une vague citoyenne qui, comme Nuit Debout, cherche des modalités d’action sur lesquelles elle aura collectivement une prise directe plutôt que d’être ramenée individuellement vers une plage devenue machine à voter.
Le Peuple président est une façon de dire NON au reflux de cette vague. Et NON à la femme ou l’homme providentiel s’autodéclarant « candidat naturel ».

LCS : Quel est le fonctionnement du mouvement « Le Peuple président », son financement ?

DA : L’engagement dans ce mouvement commence par une exigence vis-à-vis de soi-même, une sorte de vigilance. Puis, la phase collective s’opère par sédimentation : chacune et chacun y vit à son rythme et selon ses besoins du « moment ». Seule l’action détermine l’organisation. Quand une situation réclame une compétence particulière, celle ou celui qui la possède en assume la responsabilité. Tout écrit est soumis à l’avis d’un premier cercle : treize personnes à majorité féminine.
Si une décision est requise, la proposition est soumise au Comité 2017 : 47 personnes dont les âges s’étalent de 24 à 81 ans. Actuellement, j’assume seul le préfinancement de la campagne et il n’est pas question de solliciter de la thune auprès de plus « pauvre » que moi [3].

LCS : Seuls trois candidats à ma connaissance (Poutou pour le NPA, Mélenchon et toi), ont le projet de mettre en place une constituante. Peux-tu nous en dire plus sur cette initiative ?

DA : Le peuple a bien d’autres soucis que la constituante : loyer, enfants, boulot, etc. Mais changer les règles est nécessaire pour batir la maison du peuple. On n’érige pas les murs d’une nouvelle maison sans sonder ses fondations. Le Conseil constitutionnel limite les possibilités de révision, soit par l’article 89 (accord des chambres après celui du Gouvernement), soit par l’article 11 (voie référendaire). En conséquence, une révision totale ne peut être décidée qu’en recourant au référendum.
Si la prérogative de créer une Assemblée constituante appartient au peuple, rien n’oblige juridiquement ses représentants à respecter sa volonté ! Aujourd’hui, une fois élu, un député tient son mandat de la nation et il n’a pas d’ordre ni d’instruction à recevoir de ses électeurs [4].
Pour sortir de ce piège à cons, il faut d’abord réformer le Code électoral, puisque le vote blanc, acte positif au sens du droit, est du même poids électoral qu’un vote nul ou que l’abstention, négatifs juridiquement.

LCS : Poutou et Mélenchon affirment que s’ils sont élus, ils supprimeront la fonction présidentielle, quel est ton engagement sur cette question ?

DA : Il faut aussi supprimer l’État bureaucratique et militaire, et surtout se méfier de soi-même, tant le pouvoir peut rendre « cinglé ». Poutou, Mélenchon ou Adam ne sont pas à l’abri d’une disjonction entre penser et agir. D’où la nécessité d’instituer des contre-pouvoirs, comme le remplacement du Sénat par l’Assemblée citoyenne, que propose notre camarade Louis Peretz [5]. En la matière, la Commune de Paris fait référence.

LCS : Les médias considérent les « petits candidats » comme faire valoir d’une démocratie qui porte bien mal son nom. Quelle est ta stratégie vis-à-vis de ce quatrième pouvoir capable par ex. de propulser un Macron ou un Hulot en tête de gondole mais infoutu de donner la parole et le pouvoir politique au peuple ?

DA : L’État est selon Marx le résultat de la lutte des classes. Mais il ne se réduit pas à son appareil répressif et s’appuie également sur un certain nombres d’institutions servantes de la « société civile » dont les médias font partie. Ceux-ci fonctionnent essentiellement à l’idéologie, même s’ils pratiquent aussi la violence par l’autocensure. Nous n’avons pas d’autre choix stratégique que d’en tenir compte mais je me suis promis comme candidat de ne pas y perdre trop de temps…

LCS : Tu sembles, en bon connaisseur des institutions, faire une large part à la démolition de niches antidémocratiques (suppression de l’ENA, de Polytechnique, de Science Po, du Sénat, etc.) mais sur le plan social quelle stratégie est imaginée afin de donner au peuple du pouvoir sur la vie politique et sur sa vie quotidienne tout court ?

DA : L’état de fait de la situation sociale est accablant pour notre État de droit. Il faut partir de cette occultation, et non du monde des idées, pour renforcer et développer le pouvoir du peuple là où il est : sur des territoires concrets et dans des activités qui impliquent l’entraide et l’association et que nous aimons investir et défendre. C’est le seul endroit où notre présence au monde a encore un poids, conscient de lui-même, car politiquement partagé. D’où mon éloge de la proximité.

LCS : Selon les mauvais augures de la presse et des sondages, le second tour de l’élection présidentielle opposera 2 candidats de droite voire d’extrême droite qui représenteront au total moins de 40 % des inscrits. Penses-tu que les abstentionnistes péseront sur la vie politique ou bien, comme Coluche, que si le vote pouvait changer quelque chose, il serait interdit ?

DA : Chacun sait que les sondages sont directement corrélés aux temps de parole et aux commentaires journalistiques dont les candidats bénéficient dans les médias. L’élection présidentielle favorise le bipartisme et la personnalisation du débat public. En conséquence, seule la compétition en vue du second tour oriente la présentation du premier.
Alors que la sincérité du scrutin est un principe constitutionnel, les règles de cette élection encouragent le vote utile et l’abstention, au détriment du vote blanc. Le résultat c’est qu’il ne reflète pas la volonté du corps électoral. Ce constat signe l’urgence d’une réforme du Code électoral. Quel intérêt peut avoir, pour un joueur, un jeu dont les règles ne lui permettent pas de s’exprimer ?

LCS : L’absence de gouvernement ou de pouvoir (on l’a vu en Belgique en 2010-2011), n’a que peu d’incidence pratique dans la vie quotidienne. Est-il raisonnable de continuer à entretenir des institutions censées nous représenter plutôt que de laisser s’épanouir d’autres formes de vie politiques qui privilégient, l’association, l’autonomie, l’autogestion, le consensus, l’entraide, etc. ?

DA : Le capitalisme survit tant que les conditions de l’extorsion de la plus-value sont préservées pour l’accumulation. Lui non plus n’a pas eu à souffrir de cette absence de gouvernement en Belgique. Toutefois, le Belge est sujet quand le Français est citoyen. C’est la preuve que, même avec un singe comme roi, les appareils idéologiques de l’État et son pouvoir répressif peuvent mener la danse de l’argent, sur leur tempo.

LCS : Quels sont les arguments et les soutiens du « Peuple président » pour sortir d’une crise politique qui pourrait durer éternellement et pour convaincre les citoyens de mordre la vie (politique) à pleine dents ?

DA : Depuis près de 40 ans sévit une consensuelle politique de mondialisation du capitalisme : l’ultra libéralisme. Elle s’exprime par une mise en concurrence des populations, une casse sociale généralisée, des délocalisations de « savoir-faire » et un nivellement par le bas des salaires et des standards sociaux. La mise à sac des droits du peuple a été gérée par des « partis de gouvernement », à « droite » comme à « gauche ». Cette décadence du politique se traduit par une pauvreté et une précarité croissantes, 9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, plus d’un million de jeunes ne sont « ni dans l’éducation, ni dans l’emploi, ni en formation », l’ouvrier, le paysan, l’artisan, le commerçant vivent dans la souffrance au travail quand le chômeur est enfermé dans l’inactivité. Le présent est un cauchemar et l’avenir un rêve !
Contre la logique de la productivité et ses conséquences sur nos institutions et notre économie, la raison nous commande de ne plus sacraliser le chiffre et le rendement, mais de raisonner en termes de besoin et de dignité. Aux rapports d’autorité, nous préférons ceux basés sur le respect et l’entraide. Ce renversement des normes (l’être humain est la priorité) est le seul de nature à subordonner la concurrence du « marché » et le financement public à des objectifs sociaux. La santé, l’éducation et l’environnement alimentaire, y compris l’eau, deviendront ainsi la main gauche de l’État social.
Affirmer la priorité de l’être humain, c’est élargir les horizons du possible en une indispensable utopie, tout en s’inscrivant dans un avenir qui pourrait être différent et un présent partageable.
Mais pour cela, il faut que le peuple soit président et se débarrasse des politicards, des nuisibles et des parasites [6].

Propos recueillis par La Canardeuse

Notes

[1La candidature de Daniel Adam a été déposée en novembre 2014 auprès du Conseil constitutionnel suite aux élections municipales du printemps 2014.

[2Selon la définition qu’en donne l’historien Gérard Noiriel dans un livre à paraître en mars 2017 aux éditions Agone Une histoire populaire de la France du XIVe siècle à nos jours.

[3Le financement de cette campagne et les revenus de Daniel Adam peuvent être consultés sur le site du Peuple président.

[4C’est ainsi, au nom de l’intérêt nazional et contre les communes, que Charlie Castaner a défendu en juillet 2014 à l’Assemblée nationale une loi d’amnistie empêchant les communes de se retourner en justice contre la banque Dexia et ses emprunts toxiques dont les intérêts représentent parfois jusqu’à 20% de la somme empruntée. Lire La Canarde, n°0 de 2015.

[6Si vous voulez en savoir plus, renseignez-vous sur le site internet du Peuple président : http://www.le-peuple-president.fr

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