La Canarde sauvage
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Maudits soient les mots qu’à peine l’on murmure !

lundi 6 mars 2017

Les mots dits à tout moment ou très opportunément n’ont de signification et de valeur que s’ils sont chargés d’une intention, laquelle peut-être amicale, amoureuse ou haineuse, tout le reste n’est que blablabla ou branlette prétendue métaphysique, dans le seul but d’occuper le temps et l’espace à seule fin de se doter d’une importance, le plus souvent momentanée. Il existe des mots, voire des groupes de mots que l’on nomme empiriquement des phrases, qui disent assez succinctement l’appréciation que l’on a de la personne à qui l’on s’adresse : je t’aime, je t’emmerde, tu me fais chier, ou plus simplement encore, pauvre con ! Ce sont là – hormis le premier cité – des succédanés d’insultes que l’on pourrait remplacer aisément par un crachat en pleine face ou tout autre manifestation de mépris voire de détestation. On peut certes s’essuyer le visage avec un mouchoir et n’en plus parler, sauf que la mémoire permet, hélas, de se souvenir. Alors que la balle de 11,43 expédiée quasi-scientifiquement à un endroit précis coupe court à toute tentative d’interprétation et clôt radicalement la discussion. Mais il en est pour qui cette méthode un peu expéditive gâche quelque peu le plaisir, qui demande parfois de durer pour pleinement s’épanouir.

D’aucuns, des poètes sans nul doute, optent pour les mots écrits car ils se méfient de l’à peu près et aiment à peaufiner le style, ne cédant pas à la facilité d’un mot en remplaçant un autre par pure fainéantise, les Ronsard, Verlaine, Rimbaud et quantité d’autres font ainsi partie de cette cohorte d’individus pour qui le mot ou le groupe de mots se doit d’être écrit, et proprement.
À intervalles plus ou moins réguliers et variables selon les contrées, un certain nombre d’humanoïdes se proposent de diriger d’une poigne ferme les multitudes grâce à un simulacre de qui perd gagne qu’ils nomment un peu pompeusement démocrassie, sauf dans les monarchies authentiques depuis fort longtemps très attachées au concept inamovible de famille. C’est pour les candidats au trône l’occasion de se faire écrire par des nègres (blancs pour la plupart) d’interminables discours au terme desquels le peuple aura choisi le moins moche, le mieux peigné ou celui qui présente bien dans les gueuletons internationaux.
Les mots dits ne seraient-ils pas parfois – ou même le plus souvent – différents des mots entendus ? Ce qui pourrait laisser supposer l’existence d’une sorte de phénomène de distorsion assez fréquent entre la bouche de l’un et l’oreille de l’autre.
Il est une espèce particulière qui semble s’être énormément reproduite au cours des siècles derniers. Un peu familièrement j’en conviens, on les rassemble sous le nom de psys dont les plus connus sont l’inévitable Sigmund Freud et l’inénarrable Jacques Lacan. Ces gens-là et ceux qui se réclament de leur orthodoxie attendent que vous veniez déverser à leur oreille toutes les insanités, songes libidineux et images creuses, si possible pas très propres voire carrément dégoûtantes, afin de se constituer un carnet d’adresses précisant les spécialités et faiblesses de chacun et chacune. Les mots, ici, constituent un catalogue des tares et perversions humaines dont le médicastre saura tirer profit au détriment du patient et/ou de son entourage.
On se gardera de confondre les mots dits et les maudits dont quelques-uns furent artistes à une époque où, pour mériter ce titre, il n’était pas nécessaire de faire le pitre devant un parterre de nobliaux emperlousés. On ne les assimilera pas davantage aux rois, prétendument maudits, qui firent pourtant le succès cathodique de Maurice Druon durant les sixties et autres seventies (sept tomes dont nul n’a pris le temps de dénombrer la quantité de mots qu’ils contiennent alors qu’avec ses 2180 pages mon Robert quotidien n’a toujours pas fini de m’étonner). Il est certes tentant d’imaginer une possible re-re-re-diffusion de l’objet dès lors qu’un directeur quelconque de chaîne tout aussi quelconque proposera de rebaptiser tous ces épisodes du qualificatif époustouflant de série. Je ne trouve plus mes mots pour dire l’ampleur sidérante de mon exécration face à ladiarrhée verbale dont nous abreuve certain professionnel à la recherche d’un emploi dans la haute administration au sein de laquelle, une fois sacré, il pourra à loisir introduire sa légitime, ses rejetons, ses frères et soeurs, cousins et cousines. La monarchie à la portée du dernier de la classe.
Il est temps maintenant de conclure, sobrement, en prononçant le mot de la fin et, chers lecteurs, je vous laisse choisir celui qui vous semblera le plus idoine…

Charles Novak

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