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Lauzon à Montlaux : des eaux & des débats !
vendredi 3 février 2017
Dans ce numéro sur le contrôle des fluides nous nous sommes penchés sur la source du Lauzon (affluent de la Durance). Sources, barrages, prélèvements et arrosages font l’objet d’une bataille politique dont les habitant.es de Montlaux nous parlent le mieux.
En 2014, les rivières et affluents de la Durance qui prennent leur source du côté de la montagne de Lure (Largue, Laye et Lauzon) ont fait l’objet d’enquêtes. Menées par l’État, elles ont permis de collecter des informations mais ont surtout fait surgir dans le débat public des interrogations sur le partage et la gestion « publique » de l’eau qui est tout sauf un long fleuve tranquille [1].
Si nous nous sommes intéressés au Lauzon, c’est que nous en avions déjà parlé avec certain.es habitant.es de Montlaux et qu’il nous semble que les questions politiques soulevées ici concernent tous le monde.
Association de protection du Lauzon : « si on assèche la source, ça ne va pas plus loin ! »
La Canarde a été reçue avec un café par l’association pour la protection du Lauzon, de sa faune et de sa flore (APLFF). Créée en 2007, elle dénonce les effets du captage de l’eau de cette rivière, juste après sa source, par l’association syndicale des arrosants (ASA de Montlaux). L’ASA a été créée en 1983 afin de reprendre les droits d’eau d’un des moulins de la commune (Moulin de Pologne) pour ses besoins d’irrigation. Une arnaque donc et un barrage construit plus ou moins illégalement malgré l’opposition d’une partie de la population… mais avec le soutien de la SAFER.
Une étude de l’Agence de l’eau réalisée en 2010 montre que le Lauzon est en effet régulièrement en état d’alerte maximale dit de « crise » (3 années sur 5 entre 2005 et 2009). Mais en 2007 et en 2016, la rivière a totalement cessé de couler entre le barrage de Montlaux et Sigonce soit sur les 8 premiers kilomètres de son lit provoquant la mort par asphyxie des poissons et autres animaux aquatiques et d’une partie de sa flore.
L’association a démontré que le captage par l’ASA dépassait régulièrement les seuils autorisés notamment en période de sécheresse (un débit de 12 l/s soit environ 40 m3 heure ne pouvant plus être assuré aux irrigants dès que le débit de la rivière baisse au-dessous de 24 l/s) et a dénoncé l’arrosage par l’ASA de plantes aromatiques (thym et sarriette) en pleine période de sécheresse (consommation minimale de 40 m3 heure !). Mais malgré cette démonstration, la police de l’eau n’a pas verbalisé l’ASA [2].
L’APLFF a alerté les politiques au plus haut niveau (du Préfet au président Hollande en passant par la ministre Royal et les élus locaux) sur le désastre provoqué par l’assèchement de cette rivière et a obtenu des réponses « attentives » de tous. Enfin, elle a lancé une pétition [3] qui a recueilli près de 500 signatures durant l’été 2016.
La bataille qui oppose « l’assoifeur » et les écologistes peut-elle ouvrir un vrai débat sur le partage de l’eau ?
Pendant l’été et malgré l’interdiction de tous prélèvements au 16 août, l’ASA obtenait une curieuse dérogation lui permettant de continuer ses arrosages et de manquer à ses obligations quant au seuil minima de reverse…
Une fuite momentanée du barrage a permis de constater que la rivière coulait encore si elle n’était pas détournée abusivement par le barrage…
Constats et rappels de l’association auprès des services de la Préfecture et de la police de l’eau contre plainte du gérant de l’ASA et de la mairie, pour « sabotage », auprès des gendarmes de Forcalquier… toutes actions restées sans suite, d’un côté comme de l’autre.
À quand l’ouverture d’un dialogue constructif entre les habitant.es sur le partage de l’eau du Lauzon ?
Il n’y a pas de paysans Sanzot !
Après avoir recueilli les propos de l’association La Canarde s’est rendue chez un paysan de Montlaux pour discuter autour d’un verre… d’eau.
Celui-ci commençait par nous parler de l’enquête de 2014 en dénonçant le fait qu’elle lui avait couté cher (600 brouzoufs de taxe) et que sa conclusion principale visait à culpabiliser les paysans tout en disant ce que tout le monde sait depuis toujours : le lit du Lauzon est à sec durant l’été !
« Quand j’étais môme, j’allais l’été ramasser les poissons piégés dans les trous du Lauzon. Aujourd’hui, on dirait que les petits paysans emmerdent tout le monde ! »
Il s’inquiète d’une vision écologiste qui consisterait à interdire tout prélèvement de l’eau des rivières afin qu’elle soit revendue ensuite au prix fort par des structures en amont comme le canal de Provence (qui n’alimente pas Montlaux) ou à forcer les paysans à investir dans des retenues d’eau pour l’été qui sont très onéreuses et qui profitent surtout aux vendeurs d’équipements agricoles.
S’il estime que l’usage de l’eau pour des cultures non appropriées à la région comme le maïs, etc, est critiquable, les paysans ont besoin d’eau pour produire localement de la nourriture (une courgette, par exemple, c’est 80% d’eau)…
Enfin, il cite une répartition de la consommation d’eau, 70% pour les habitants et seulement 30% pour les paysans [4]… Et il s’inquiète d’une volonté politique qui mènerait à la disparition d’une activité agricole autonome sur le territoire au profit du tourisme qui consomme de l’eau mais ne produit rien d’autre, en échange, que du papier monnaie.
« Si la commune n’a pas construit de lotissement à Montlaux, c’est pour conserver des paysans sur le territoire. Il y a 13 exploitations agricoles viables sur la commune. »
La mairie contactée sur ce sujet, accueille, le 16 février 2017, une réunion initiée par la police de l’eau qui réunira tous les intervenant.es autour de la table.
Tout en rappelant les choix politiques de la commune en faveur des agriculteurs, la mairie souhaite apaiser les débats soulevés par ces histoires d’eau.
Enfin, les services de la Préfecture (barricadés derrière la communication [5] !) nous ont répondu par courriel au sujet de la dérogation accordée à l’ASA cet été et des contrôles effectués auprès de l’arroseur de Montlaux.
En attendant, il n’y a pas le feu au lac et l’eau coule à nouveau sous le barrage !
La Canardeuse
Notes
[1] On l’a constaté l’an dernier quand le SIIRF syndicat d’irrigation de la Laye a renouvellé la délégation de ce service au canal de Provence (lire La Canarde n°11) plutôt que de reprendre une régie publique.
[2] Trois contrôles ont été effectués cet été par la police de l’eau sur les installations du principal bénéficiaire de l’ASA, sans relever de fraudes…
[3] Adresse de la pétition : http://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/laissons-mourir-riviere-lauzon-eco-systeme/24358
[4] Les chiffres nationaux indiquent une répartition plus élevée en faveur des agriculteurs de 43% contre 42% pour la consommation en eau potable des collectivités et 15% environ pour les activités industrielles…
[5] Lire l’encadré (ci-dessus) sur la Direction départementale des territoires (DDT).